Par M. Dejevsky – La Russie a pris les accusations la concernant avec plus de sérénité qu’elle ne le fait parfois. Ces dernières semaines, ses messages ont également été inhabituellement clairs. Elle a nié toute intention agressive, accusant l’Occident d’essayer d’attiser les tensions. Le Kremlin a déclaré qu’un pays souverain a le droit de déplacer des forces à l’intérieur de ses frontières (ce qui a été fait). Mais la Russie a également, et c’est crucial, déclaré sans ambiguïté que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN constituerait, pour la Russie, une “ligne rouge”. Tout cela ne devrait laisser aucun doute sur le fait que Moscou est en mode réactif, et non proactif.
La logique voudrait également que si quelqu’un a une raison de lancer une nouvelle action militaire maintenant, ce soit le gouvernement de Kiev, fraîchement équipé en matériel militaire par le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Après sept ans de combats intermittents, il pourrait enfin juger – ou avoir été persuadé – que la force est le seul moyen de reconquérir les régions rebelles de l’est. En effet, c’est maintenant ou jamais.
Il faut bien prendre en considération les dernières manœuvres diplomatiques occidentales des derniers mois prises en faveur de l’Ukraine et contre la Russie !
Il y a eu les accords de défense conclus avec l’Ukraine par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, les multiples manœuvres terrestres et maritimes de l’OTAN (y compris dans l’ouest de l’Ukraine et en mer Noire). Il y a les dispositions actuelles des forces de l’OTAN (y compris à des fins d’entraînement, dans des bases à l’intérieur de l’Ukraine et, officiellement à des fins de conseil, en fait au sein du ministère ukrainien de la Défense). Il y a aussi les récentes livraisons d’armes américaines, dont les missiles Javelin, les livraisons de drones par la Turquie et un accord avec le Royaume-Uni sur la construction de navires de guerre.
Si vous êtes un stratège russe, assis à Moscou, vous ne pouvez conclure autrement : l’Ukraine commence à ressembler à un cheval de Troie de l’OTAN.
Est-il si déraisonnable de se demander qui menace qui ici ? Qui est en attaque et qui est en défense ? Quiconque note des mouvements de troupes russes, quel que soit le nombre de kilomètres les séparant de l’Ukraine, devrait également regarder à l’ouest de l’Ukraine, où les forces de l’OTAN sont stationnées depuis que l’Alliance a été élargie pour inclure la plupart des anciens Etats du Pacte de Varsovie et de la Yougoslavie (l’Ukraine et le fragile Belarus constituant les seuls tampons).
A partir des mouvements de troupes de l’OTAN, la Russie pourrait également deviner d’autres raisons au discours belliqueux de l’Occident qu’une menace d’invasion de l’Ukraine. Les alarmes tirées en premier lieu à Washington pourraient-elles servir de couverture à une tentative, soutenue par l’Occident, de “changer les faits sur le terrain” ? La Russie pourrait-elle être amenée à prendre une décision qu’elle considérerait comme défensive et que l’OTAN présenterait comme une agression ? Rappelez-vous l’incident de l’été dernier avec le navire de guerre britannique en mer Noire.
Le contexte plus large est l’état actuel des relations entre les Etats-Unis et la Russie. La rapidité avec laquelle le dernier sommet virtuel a été organisé entre Biden et Poutine laisse entrevoir que beaucoup de choses se passent en coulisses. L’Ukraine n’aime pas cela, mais ce n’est pas la première fois que son avenir est lié à un jeu plus vaste. Elle est l’une des dernières pièces de la partie d’échecs qui se déroule depuis la fin de la Guerre froide et l’effondrement de l’Union soviétique.
La Russie souhaiterait ardemment un accord de sécurité paneuropéen qui consacrerait l’engagement des Etats-Unis à ne pas poursuivre l’expansion de l’OTAN. Il s’agit là d’une vieille idée remontant à Gorbatchev et de la “ligne rouge” récemment formulée par la Russie au sujet de l’Ukraine, et rejetée par l’Occident.
Un dernier élément doit enfin être pris en compte : c’est la panique de l’Occident face à une crise qu’elle a orchestrée et risque de ne plus contrôler. De cela, les Russes en sont très conscients…
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