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Saint Augustin dit au livre XI de la Cité de Dieu que la Providence divine aime mieux tirer le bien du mal que de ne permettre aucun mal ; en sorte que, si l’homme fait un mauvais usage de ce qui est naturellement bon, le Seigneur dispose encore des moyens de se servir utilement des volontés mauvaises pour procurer un bien d’un ordre supérieur.
La parole du sàint docteur se vérifie admirablement dans une foule de miracles eucharistiques. Nous y voyons que Dieu permet les profanations de son sacrement, des doutes sur la présence réelle, des blasphèmes contre l’adorable Hostie ; mais nous y voyons aussi comment la divine sagesse, par des manifestations inattendues, fait tourner ces malheurs au bien des âmes et à l’affermissement de la foi. Souvent, un de ces faits merveilleux a été, pour des villes, pour des contrées entières, le point de départ d’un renouvellement de piété et d’amour envers l’Auguste Mystère du Très Saint Sacrement.
En l’an 1354, deux audacieux voleurs réussirent, durant la nuit, à percer un mur du couvent des Augustins, à Gand. Ils s’introduisirent dans l’église et firent main basse sur les vases sacrés et sur tout ce qui pouvait avoir quelque prix à leurs yeux. Ils emportèrent même parmi leur butin l’Adorable Sacrement. Parvenus au hameau d’Ackergem, ils eurent peur d’être trahis par la Divine Eucharistie, dont la présence au milieu de ces dépouilles accuserait leur sacrilège attentat. Ils creusèrent donc un trou dans le sol et y ensevelirent les Saintes Hosties : puis ils s’éloignèrent tranquillisés, pensant avoir détruit toute trace de leur crime.
L’un des misérables eut pourtant un remords : lui qui n’avait pas craint de provoquer la colère de Dieu par le pillage odieux du sanctuaire, il ne put supporter l’idée de ce manque de respect envers le Sacrement. Il retourna donc sur ses pas pour retirer les hosties de cette place indigne avant que l’endroit de la profanation eût été piétiné par les troupeaux. Mais il s’aperçut avec effroi que les saintes Espèces, si blanches et si pures quand ils les avaient enterrées, étaient tout ensanglantées. De terreur, il s’enfuit aussitôt.
L’Agneau eucharistique prit soin de manifester lui-même sa présence. Un troupeau passait au matin dans le champ témoin du sacrilège. Soudain, les brebis s’arrêtent comme frappées de la foudre ; puis, poussées par un instinct mystérieux, elles courent en rangs pressés vers un même point, se forment en cercle et tombent à genoux dans une profonde adoration. Le berger se hâte aussi pour voir la cause de cette merveille : la terre ruisselle de sang et, au milieu des brebis prosternées, il reconnaît les divines Hosties. Sans même prendre soin d’imiter ses agneaux et d’adorer son Dieu, le jeune homme s’élance d’un trait jusqu’au village et raconte le prodige. Les pères Augustins en furent promptement instruits et vinrent en grande pompe recueillir le Très Saint Sacrement et le sang miraculeux qu’ils emportèrent dans leur église. Il est impossible d’imaginer le nombre de prodiges et de grâces dont ce miracle fut la source. C’est ce qui détermina les habitants de Gand à demander l’érection d’une confrérie en l’honneur de la Sainte Eucharistie, sous le vocable du Saint Sang ; et la plus grande partie de la ville tint à honneur de se faire inscrire dans cette pieuse association.
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