Par A. Lieven – Le débat occidental sur l’Ukraine a été caractérisé jusqu’à présent par la tromperie, l’autodérision et l’hypocrisie. En effet, non seulement l’Occident manque totalement de volonté et de forces militaires pour défendre l’Ukraine, qu’elle soit ou non membre de l’OTAN, mais après les lamentables résultats obtenus par les Polonais, les Hongrois, les Roumains et les Bulgares depuis leur adhésion à l’UE et à l’OTAN, il n’y a absolument aucune volonté en Europe occidentale de prendre des mesures sérieuses pour faire entrer l’Ukraine dans l’UE.
On notera cependant un point positif de la part du président Macron : cette semaine (à l’occasion du début de la présidence semestrielle de l’UE par la France) il a annoncé qu’il espérait relancer le “format Normandie” des pourparlers entre la France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine en vue de la mise en œuvre de l’accord de Minsk II sur une solution au conflit du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, qui prévoit une autonomie garantie par la communauté internationale pour ce territoire au sein de l’Ukraine. C’est en effet la seule façon de résoudre pacifiquement ce conflit.
“Il est bon qu’il y ait une coordination entre l’Europe et les Etats-Unis, mais il est essentiel que l’Europe ait son propre dialogue avec la Russie”, a déclaré E. Macron. Cette déclaration a, à juste titre, suscité des inquiétudes à Bruxelles et à Washington…
L’appel à un dialogue “européen” avec la Russie est toutefois inutile en soi. L’UE a démontré à maintes reprises qu’elle est, par nature, tout simplement incapable de formuler une approche commune vis-à-vis de la Russie ou de toute autre question majeure de politique étrangère.
L’une des raisons de l’escalade actuelle de Moscou est précisément que l’establishment russe a perdu confiance dans le format Normandie et dans la volonté de la France et de l’Allemagne de maintenir à jamais une position qui fâche Washington. Seul un geste exceptionnellement fort de la France peut rétablir cette confiance et amorcer un processus de négociation positif avec Moscou.
Dans l’actuelle campagne présidentielle française, tous les candidats, de l’extrême droite au centre gauche, ont évoqué Charles de Gaulle. Ils devraient se rappeler que de Gaulle n’aurait certainement pas laissé la France être entraînée dans un conflit inutile et désastreux par les ambitions mégalomanes de Washington et les haines russophobes ancestrales des Polonais et des Suédois. De Gaulle croyait en une “Europe des Patries”, non pas un super-Etat européen (un projet qui a définitivement échoué), mais une confédération d’Etats-nations indépendants où la France jouerait un rôle de premier plan.
De Gaulle, on s’en souvient, avait retiré la France des structures militaires de l’OTAN en 1966 pour protester contre le refus de Washington d’accorder à la France une part du contrôle des armes nucléaires américaines sur le sol français.
Après la Guerre froide, un ensemble de facteurs se sont combinés pour rendre toute entente impossible : la descente de la Russie dans un chaos criminel et un quasi effondrement de l’Etat sous Eltsine, suivie par son passage à l’autoritarisme sous Poutine ; et du côté français, la déférence croissante envers Washington de la part de la droite française et de l’establishment sécuritaire (en partie à cause de la dépendance croissante envers l’armée américaine pour aider à maintenir la sphère d’influence de la France en Afrique de l’Ouest) ; et l’adoption par la gauche française de la religion des droits de l’homme et de la démocratisation mondiale (dirigée par les Américains) pour remplacer son engouement antérieur pour le marxisme.
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